Les mains dans les poches et la tête légèrement baissée pour lutter contre le vent frais, je me dirige vers l’entrée de l’auberge. Un sourire se dessine sur mes lèvres quand je remarque quelques lumières allumées. Robine est donc rentrée. Mais avant d’aller la voir, il faut que je fasse un crochet vers ma chambre. Hors de question de me montrer ainsi. Silencieusement, je gravis les marches de l’escalier qui me semble être plus long tellement mes jambes sont fatiguées. Quand j’entre dans ma chambre, étrangement, je me sens apaisé et légèrement moins épuisé. La lumière n’est pas aveuglante, je préfère tamiser la lumière dans une chambre, c’est moins agressif le matin et plus reposant en soirée. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. Je souris béatement. Si cela ne tenait qu’à moi, j’irai me jeter sous mes couettes pour ne pas en sortir avant que le soleil soit haut dans le ciel. Mais il faut que j’aille manger et surtout que j’aille remercier Robine de s’être si bien occupée du ranch pendant notre courte absence. Pendant que l’eau de la douche chauffe, je me déshabille et roule mes habits sales en boule avant de les expédier dans un panier à linge en osier. Tiens, qu’est-ce que c’est que ça ? Je me penche sur mon miroir et soupire. Je me disais bien que j’avais la joue qui piquait. Trois petites entailles rouges, régulières strient la chaire de ma joue. J’ai dû m’érafler à des ronces sans m’en rendre compte. J’applique un désinfectant sur du coton et nettoie les plaies. Ce n’est pas bien profond, ça ira…Je rentre enfin dans la douche et bénie l’eau chaude qui délasse mes muscles et enlève toutes ces saletés.

Je suis bien plus présentable ainsi. J’ai enfilé un jean, une chemise à carreaux verts et un tricot irlandais à manches courtes noir. J’aplatis un épi et quitte enfin ma chambre. En descendant l’escalier, doté d’une énergie nouvelle, je crois entendre plusieurs voix dans le salon. Ha ? Robine aurait donc de la compagnie ? J’ai l’impression de reconnaître celle de Laïla. Elle est enfin revenue ! Je souris de plus belle en percevant une tonalité que je ne connais pas. Y aurait-il une nouvelle recrue au ranch ? L’odeur qui me parvient me met l’eau à la bouche. C’est très gentil à elles de faire d’aussi bons plats. J’arrive enfin dans le salon, tout sourire. Je ne me suis pas trompé. En plus de Robine, je retrouve notre chère Laïla. Elles sont en compagnie d’une jeune demoiselle que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam. « Bonsoir mesdemoiselles ! Nous sommes rentrés un peu plus tôt que prévu… » J’indique en me grattant la nuque, légèrement peiné. « Quel plaisir de te revoir Laïla, je ne sais pas ce que tu nous prépares mais cela sent très bon…et un grand merci à toi Robine, tu as fait du bon boulot. » Mon attention se porte sur la nouvelle dont les longs cheveux blonds me font penser à ceux de Fleur, encore une fois, nous avons la chance d’accueillir quelqu’un qui, aux premiers abords, paraît sympathique. Je lui tends la main. « Bienvenue, je m’appelle Charly. » J’indique souriant, mon accent anglais roulant encore malgré ma familiarisation avec leur langue. Tilla et Fleur ne sont pas encore arrivées mais elles ne devraient pas tarder.

Fleur, notre Miss.Catastrophe, a glissé en arrivant au ranch et s’est méchamment foulé la cheville. Je ne veux pas être pessimiste mais elle me paraît bien bleue. Croisons les doigts pour que ce ne soit pas plus grave. Comme Tilla me l’a demandé, je monte l’escalier quatre à quatre pour aller chercher une serviette dans ma salle de bain. J’ouvre précipitamment le placard dans la salle d’eau et y trouve une serviette propre. Au passage, j’attrape un briquet que j’enfonce dans ma poche et dévale les marches pour retrouver tout le monde. Je tends à la jeune femme brune ce qu’elle m’avait demandé et, en affichant un sourire compatissant, pose une main rassurante sur l’épaule de Fleur. « Ca va aller, ne t’en fais pas. » Je m’assois ensuite sur le canapé et me perd dans mes pensées. Beaucoup de choses se bousculent dans mon esprit. Si c’était plus grave ? Je ne doute pas des facultés de Tilla mais si l’os s’est cassé…mieux vaut ne pas y penser. La tête ailleurs, je suis absent de la discussion autour de moi et, émerge au moment où Laïla nous propose d’amener les couverts ici et de manger sur la table basse. J’approuve son idée ; Fleur n’aura pas à se déplacer. « Ne bougez pas, je m’en charge ! » Je m’éclipse un instant et reviens avec les assiettes. « J’ai mis le dîner au chaud…occupons nous d’abord de ce pied… »