C’était une évidence. Je ne dois m’en prendre qu’à moi-même. J’aurais dû être plus raisonnable et me rappeler mes terribles beuveries d’étudiants. Il faut croire que ça ne m’a pas servi de leçon. J’ai le visage enfoncé dans l’oreiller et je grogne en sentant la douleur qui cogne dans mes tempes. J’ai une sale migraine et ma bouche est pâteuse. J’ose à peine imaginer l’état de mes yeux. En plus de cela, je me sens atrocement poisseux, j’ai l’impression de sentir la cigarette et la bière à des kilomètres à la ronde. Rien n’est plus désagréable qu’une dure gueule de bois. Je n'ose pas me tourner pour voir quelle heure il est, je sais que je vais m’en mordre les doigts. Pourtant, je ne peux décemment pas passer ma journée sous les couettes. J’ai besoin d’une douche et de prendre l’air. Me lever s’avère plus facile que je ne l’ai pensé. Hors de mon lit, j’ai l’impression qu’il fait aussi froid que dans le grand nord sibérien. Un énorme frisson me parcoure l’échine. Ni une ni deux, je vais me barricader dans la salle de bain et allume le chauffage électrique avant de prendre une douche.

En regagnant ma chambre, la serviette autour de la taille, j’affiche une grimace. J’ai l’impression d’avoir mis les pieds dans un chenil. Je vais ouvrir en grand la fenêtre et inspire un grand coup. Après m’être habillé, j’ose enfin regarder l’heure sur mon réveil. Quoi ?! Seulement onze heures ? J’étais persuadé qu’il était bien plus tard que ça. C’est parfait. J’affiche un sourire et m’assois sur le lit pour serrer correctement mes chaps. Une bombe sous le bras, je quitte enfin ma chambre avec dans l’idée de monter enfin un des chevaux du ranch et d’aller me promener. Il faut dire aussi que cette histoire de croisement magique m’a intrigué.

Une main dans la poche, je rentre dans les écuries, curieux de voir quels genres de chevaux abrite ces murs. Au moment où je pénètre dans le bâtiment, les animaux s’agitent et passent des têtes interrogatives par la porte de leur boxe. Mon regard est attiré par une cascade de crins blancs ondulés et un regard plein de malice se demandant qui peut bien être ce gringalet en botte. Les naseaux du cheval se dilatent sous sa respiration profonde. J’aime cette lueur dans son regard, mon choix s’arrête donc sur cette monture. Je dépose ma main sur le bout de son nez, la laissant me sentir. Ses oreilles s’agitent et elle laisse échapper un petit hennissement. Je souris et prends connaissance de son nom « Pim’s…on va bien s’entendre je crois. »

Une fois dans son boxe, je prends soin de sa robe avec minutie. Aucune saleté ne résiste à l’étrille américaine qui caresse son poil. Elle me jette un coup d’œil interrogateur, se demandant sûrement pourquoi je mets autant de temps. Je me secoue un peu les puces. Cela fait tellement longtemps que je ne suis pas rentré dans une écurie que je suis d’une humeur rêveuse. Pour retirer toute la poussière qui obscurcie sa superbe robe, je passe énergiquement le bouchon sur tout son corps taillé dans une musculature de titan. Curer ses sabots s’avère être une tâche compliquée quant à leur taille et la terre séchée agrémentée de petits cailloux. Une fois finis j’éponge la sueur sur mon front d’un revers de la manche et vais reposer le cure-pied. Fébrilement, tellement excité de partir à l’aventure sur le dos de Pim’s, Je harnache l’impérieuse jument. La main légèrement tremblante, je serre fermement la sangle. « Here we go Pim’s ». J’amène ma monture dans la cours et, à peine ai-je mis le pied à l’étrier qu’elle part déjà d’un bon pas. Je me cale dans la selle et la fait tourner dans le domaine le temps de bien régler mes étriers. Fin prêt, je la talonne et, dans un nuage de poussière, pars au petit galop vers le croisement magique.