Je prends un verre et le rempli à moitié de jus d’orange pour avaler mon comprimé. Fleur semble aussi regretter amèrement les quelques chopines qu’elle a bu. Laïla doit nous prendre pour deux ivrognes peu responsables. Je m’en mordille la lèvre. Ce n’est pas vraiment mon genre d’être aussi peu prudent. Je pense que la fatigue, le contrecoup du voyage et mon mal du pays ont beaucoup joué sur cette facilité que j’ai eu à boire autant. Quelques questions me sont posées, je suis touché de voir qu’elles s’intéressent au moins un minimum à mon confort et laisse un sourire fatigué étirer mes lèvres. En mélangeant du cacao dans le lait fumant je reste pensif et silencieux. C’est vrai que dans un ranch inconnu – et magique qui plus est – j’aurais dû avoir de mal à dormir et me demander quel genre d’êtres mystérieux allait rentrer dans ma chambre. Malheureusement, mon récit sera moins passionnant et dénué de farfadets ou d’insomnie perturbante. Non, rien de tout ça. Je sais qu’en entrant, sans prendre le temps de retirer ne serait-ce que mes chaussures, je me suis écroulé sur le lit et me suis endormie, à peine la tête posée sur l’oreiller. C’en est presque pathétique. Ma mine déconfite vient davantage du fait que, me concernant, les bols sont l’incarnation du mal. Mais je m’abstiens d’en faire la réflexion. Je croise les jambes et m’adosse au dossier « Croyez le ou non, j’ai passé une très bonne nuit… » De toute manière, rien ne peut être plus dérangeant que de passer la nuit dans le château de Glamis, rien que d’y penser, j’en ai encore des frissons. « Ce n’est rien Laïla, vraiment, tout va bien. » Je regarde le soleil au-dehors, ce n’est pas un temps à rester enfermer. « Avez-vous prévu quelque chose aujourd’hui mesdemoiselles ? »

Oui, j’ai faillis mourir étouffé par du lait chocolaté. Remarquez, cela aurait-été relativement comique…ou peut-être pas. Je me presse pour finir et donner un coup de main à Laïla. Fleur a déjà disparu dans la nature, nous laissant derrière. Je souris dans mon coin. D’après ce que j’ai pu observer pendant ma première journée ici, c’est que ma jeune hôte blonde est assise sur des ressorts. Impossible de la tenir en place plus d’une heure, il faut toujours qu’elle fasse quelque chose. Enfin, ce n’est pas une mauvaise chose en soit mais elle doit prendre des précautions pour ne pas s’en rendre malade. Mes avis que si j’ai un coup de blues un jour, Fleur fera sûrement plus utile qu’un antidépresseur. Avec Laïla, je ne sais pas encore à quel saint me vouer, c’est dramatique à dire mais d’elle, je ne connais que le nom. Pourtant elle a l’air d’être agréable à vivre. Enfin bon, c’est l’occasion qui fait le larron, cette sortie sera l’occasion de faire de plus amples connaissances. « Oui, je veux bien me joindre à vous… ». A peine la vaisselle rangée, Laïla prend le chemin de la taverne, j’irai les rejoindre plus tard, à la vue des nuages qui commencent à border l’horizon je préfère aller chercher un parapluie, on est jamais trop sûr. Dans ma chambre je prends mon chapeau et cherche dix bonnes minutes l’endroit où j’ai pu fourrer ce satané parapluie. Le temps change vite dans le coin, quelques gouttes minuscules commencent déjà à ruisseler sur la vitre de ma chambre. J’espère que Fleur et Laïla sont déjà à l'abris…et que ce passage nuageux ne va pas s’aggraver dans la journée. Je n’ai pas le temps de tergiverser sur la météo, mes amies doivent m’attendre. Je croise les doigts pour retrouver la taverne de ce brave Zarakaï.